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4 mai 2012

Confidence africaine, Roger Martin du Gard

confidence

Certes, Amalia n’était pas belle : je dirai même que ses paupières plissées de tortue, son masque envahi de graisse, son teint huileux, son torse piriforme, avachi par les grossesses et les allaitements, conspiraient à faire d’elle un souverain remède contre la concupiscence. Je m’expliquai mieux sa complexion après l’avoir vue se gaver d’une sorte de compote visqueuse, dont elle raffolait, faite de figues imbibées de crème fraîche et de miel. En sus des platées de macaroni qu’elle bâfrait aux repas, elle mâchait du matin au soir des loukoums gluants, et ne parlait guère que la bouche pleine. Son tiroir-caisse était garni de dattes fourrées à la pistache ou de pâtes de fruits ; et sa monnaie était toujours poisseuse. Je dois ajouter, pour être juste, que sa gourmandise avait un caractère impérieux, passionnel, qui l’empêchait presque d’être répugnante : cette voracité semblait être la revanche, le refuge, de toutes les ardeurs d’une femme ; et cela n’était pas très loin du pathétique.

Autour d’elle grouillait une demi-douzaine de petits Luzzati des deux sexes, échelonnés de deux à quinze ans, tous gras et courtauds, joufflus et fessus, flasques comme des grenouilles, affligés de voix rauques, de tignasses laineuses, et tous d’une irrémédiable vulgarité.

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